top of page
Rechercher

Prendre le temps de ralentir pour mieux accélérer ?

Dernière mise à jour : 25 juil. 2023

C'est au cours d'une table ronde organisée par Talent et Impact dans le cadre du Off de changeNow et animée par Ophélie Huttel qu'Amandine Hersant (Planète Urgence), Olivier Maurel (Intelligence Collective & Ecologie Profonde) et Rachel Liu (Human Tempo) ont pu partager leurs expériences pour esquisser comment se réapproprier notre bien le plus précieux : notre temps !



Vous trouverez ci-dessous la retranscription écrite complète des échanges de la table ronde. Pour lire l'article de synthèse, rendez-vous sur ce lien. Bonne lecture !


Ophélie (introduction) : Je prends la parole aujourd’hui au nom de Talent & Impact. Au cœur de nos missions, il y a vraiment cette envie d'accompagner le développement de manière systémique et donc nos clients aussi dans ces enjeux de changement d'organisation, d'évolution d'un système qui touche à énormément de choses d'un point de vue humain. Pourquoi on est là en OFF de change Now? Parce que c'est un partenaire de cœur qui a cette beauté de créer des liens aussi dans le milieu de l'acteur engagé pour l'impact. Et donc, pour nous, ça fait énormément de sens de nourrir toutes ces réflexions sur comment on peut accélérer les transition et y contribuer avec tous nos talents. Et du coup, pourquoi la thématique du temps et de notre rapport au temps, et cette urgence à agir et des fois aussi à ralentir ?


Tout simplement parce que même si nous trois chez Talent & Impact, on aime beaucoup aller très vite, on est aussi très conscientes du bénéfice à lever le pied, à prendre des temps de recul qui nous permettent de prendre de l'élan pour agir parfois mieux. Et on voit autour de nous que c’est dur de ralentir pour nos clients, nos interlocuteurs, nos partenaires, dur de prendre ce temps, de s’autoriser ce temps dans une société où la vitesse est quand même très valorisée. Ça ne veut pas dire qu'il faut être lent tout le temps, mais on va parler de ralentir parce que je crois qu'on est majoritairement meilleurs à aller trop vite qu'à aller trop doucement. Il peut y avoir des exceptions avec ça, bien sûr. On ne prétend pas avoir toutes les réponses loin de là. C'est pour ça qu'on a choisi d’avoir cette réflexion collective en forme d'échanges et de table ronde. Et on a la chance d'avoir trois invités extraordinaires. Et je vais vous laisser vous présenter avec ce que vous avez envie de dire de vous et surtout, qu'est ce qui vous a motivé à prendre le temps d'être avec nous ce soir pour parler de ce sujet.


Amandine : Moi, je m'appelle Amandine et je suis la dirigeante de l'association Planète Urgence. C'est une association qui protège les forêts et la biodiversité, là où il y a vraiment urgence. On va agir sur les trois grands bassins de biodiversité mondiale avec plus de vulnérabilité et là où il y a des enjeux climatiques très, très forts. On va être sur l'Amazonie, sur le bassin du Congo et sur l’Asie du Sud Est. Et pourquoi le sujet du temps m'intéresse ? Évidemment, il y a le sujet de Planète Urgence. On est dans une urgence, on est dans une course très, très, très, très rapide face aux changements climatiques, face à l'érosion de la biodiversité, face aux pauvretés et aux inégalités qui grandissent partout. Donc, on a envie d'agir vite, mais à se dire facilement, on court partout pour le faire et je pense que ce n'est pas forcément la meilleure solution. Je pense qu'il faut arriver à ralentir et à permettre à chacun de prendre le temps de savoir où sont les priorités, comment agir de façon propre, beaucoup. Je suis très heureuse d'être là pour discuter de ça ce soir.


Rachel : Je suis Rachel Liu. Je suis la fondatrice et co dirigeante de Human Tempo. Human Tempo accueille les personnes dans un château en Bourgogne pour un moment de reconnexion à soi. Très concrètement, ça prend la forme de semaines thématiques. Ça peut être autour de la question de l’épuisement, du burn out. Ça peut être autour de la question de comment donner un sens à sa vie. Tout simplement pour faire une pause ou encore travailler sur ses valeurs, sa confiance en soi. Chaque semaine, j'accueille une dizaine de personnes qui souhaitent ralentir, qui souhaitent maîtriser leur temps. C'est vrai qu'on a choisi ce nom de « human tempo » parce que moi, si je suis quelqu'un qui naturellement aime aller vite et j'ai dû apprendre à maîtriser le tempo. Ça veut dire que parfois, c'est super d'aller vite, c'est excitant, ça fait plaisir. Et à d'autres moments, ralentir, c'est ce qui donne aussi toute la saveur à sa vie. Pour nous, c'est aussi un sujet qui est éminemment lié à la société en général. On peut dire que notre société, même notre planète est proche parfois de l'épuisement et du burn out. Donc, je vais tenter ce soir de vous connecter avec cette thématique d'un épuisement général et comment le fait de ralentir globalement en tant que société peut nous aider à prendre le temps de gérer des questions importantes et pas uniquement des questions urgentes. .


Moi, je suis Olivier. D'où je viens ? Ça fait une vingtaine d'années que j'innove. D'abord dans le quoi, ce qui m'intéressait, c'était d'inventer des nouveaux trucs. Un peu de conseil en stratégie, une aventure entrepreneuriale dans le web. J'étais fasciné par la vélocité du monde digital. Et puis, je me suis rendu compte qu'il ne voulait pas se poser la question du pourquoi, il me manquait quelque chose. Et donc, je suis allé à l'innovation sociale et environnementale. J'ai passé dix ans chez Danone sur ces thèmes. Et puis, progressivement, je me suis rendu compte qu'innover sur le quoi et le pourquoi appelaient aussi à se poser la question de comment on innove. Et que dans les métiers de l'engagement, de l'impact, il peut y avoir aussi du surengagement. J'ai travaillé pendant deux ans à mi-temps, puis après je me suis mis à mon compte et aujourd'hui, j'accompagne des groupes de décideurs à naviguer dans la complexité de la transition écologique avec deux leviers, la coopération et l'écoute du sensible, l'intelligence collective et l'écologie profonde.


Je viens de passer deux jours avec Otto Scharmer. J'ai eu la chance de faire partie des participants de son workshop pour aller écouter le futur émergent. C'était trop bien. Vraiment, c'était trop bien. Du coup, le message principal, surtout celui que j'avais envie de vous partager, c'est que je viens du futur et c'est cool. Ce futur cool, il faut ou en tous les cas, mon appel, moi qui viens du futur, à vous qui êtes dans le présent, c'est pour qu'il soit cool, il faut à un moment avoir des portes cools à ouvrir et pas être que dans des courses effrénées. Il faut lui donner le temps à ce futur émergent de venir ensemencer le présent.


Ophélie : pour attaquer tous ensemble et se mettre au même rythme avec tout ce qu'on a dit, je vais vous proposer une petite visualisation. Je vais vous demander à tous de fermer les yeux si possible, poser les deux pieds au sol, si vous vous sentez bien. On ne va pas partir trop loin, mais je vais vous proposer de vous projeter au grand air, sous le soleil, sur votre vélo. Et là, vous pédalez sur une jolie route entourée de verdure. L'air vous caresse le visage, vous faites voler les cheveux au vent et vous êtes plein, c'est léger, ça glisse. Et là, un panneau annonce un virage. Qu'est ce que vous faites instinctivement ? Vous étiez à fond, pour avoir un peu plus d'air dans les cheveux, et à la preuve du virage, qu'est ce qui se passe ? Probablement, vous levez le pied, et puis vous attendez d'être dans le virage pour donner un bon coup de pédale pour accélérer. Si jamais vous ne levez pas le pied, qu'est ce qui peut se passer ? Qu'est ce que ça provoque en vous cette idée d'aller à plein régime dans un virage serré ?


Je vous laisse revenir avec nous quand c’est le bon moment pour vous. Et j'aimerais vous entendre sur ceux qui ont envie de partager cette approche du virage. Pourquoi c'était drôle ? Moi je me suis pris le panneau partage Rachel !


Merci. Donc voilà, avant même de dire comment on prend le virage, on peut se prendre le panneau.Est ce que déjà, la plupart ont eu l'instinct de lever le pied ? Ok. Alors, pour ceux qui ont le permis voiture, c'est vrai qu'on apprend ça à l'autoécole. Lever le pied avant le virage, accélérez après le virage. Mais ce n'est pas toujours inné. Ce qu’on vit actuellement c’est un peu pareil : on parle de grands virages et grandes transitions, mais on y va à pleine bourre comme d'hab, tout droit. Pour certains, le virage n'est pas annoncé parce qu'ils ne veulent pas voir l'annonce, même si elle est largement communiquée. Pour d'autres, elle est annoncée, mais elle est tétanisante, donc on ne sait pas faire autrement que de continuer à pédaler. C'est un petit peu pour vous faire ce lien avec les transitions et de se dire « OK, à quel moment on accélère ? Est ce qu'on accélère vraiment au bon endroit ? » et « Combien de gens vont dans le mur, le fossé, l'arbre ?


Le temps, moi, je n'en ai pas assez, je cours après. Ça m'énerve parce que j'ai l'impression qu'il y a des gens qui passent le temps. Moi, je cours après. Et tout ça pour illustrer le fait qu'il y a un rapport éminemment personnel à notre perception du temps en fonction de qui on est, du moment de notre vie, mais aussi de l'activité qu'on a, de notre environnement, de la culture familiale, d'entreprises, etc. Donc, il n'y a pas une seule vérité sur le temps, mais il y a différents moments de vie et différentes personnes. L'analogie que j'aime bien, c'est le cycle des saisons, parce que la nature, petit spoiler alerte, nous faisons partie de la nature, a des cycles et des rythmes et des fois, c'est l'hiver. Et des fois, c'est l'hiver, on fait un gros dodo et on met tout au repos. Ca on sait très mal faire dans les entreprises et à la limite, on est à contre saison parce que c'est en été qu'on ralentit et en hiver qu'on est à pleine bourre. Et puis, il y a le printemps où on sème, mais on ne voit pas tout de suite ce qui pousse. Et parfois, il faut être patient, mais ce n'est pas facile d'être patient. L'été, on récolte, à l'automne, on ralentit et puis on laisse mourir aussi des choses. Et finalement, on vit dans un monde qui croit qu'on peut être tout le temps au printemps et en été et que ça va aller vite. Et de se dire « OK, si on veut se reconnecter au vivant et à la nature, comment on fait pour se reconnecter à nos rythmes ? » Et accepter qu'ils sont souvent potentiellement asynchrones. On n'a pas tous les mêmes saisons au même moment et ce n'est pas simple dans nos organisations d'accepter ça.


On a récolté vos questions en amont de cette table ronde : la première thématique collecté, il y avait la première, les risques psychosociaux associés à ce rapport à la vitesse. Comment on peut s'user, ou comment on peut s’autoriser à ralentir dans une société qui ne valorise pas ça forcément. Beaucoup de questions en lien avec l'urgence climatique versus le besoin de temps. Est ce que c'est paradoxal ? Et ensuite, il y a beaucoup de questions sur les bonnes pratiques, les tips concrets, comment on fait pour être dans l'instant dans le flow, reprendre les commandes, choisir, respecter le temps de la transition, aussi dans les enjeux en équipe, pas que à titre individuel. Et enfin, il y a eu plusieurs questions qui touchaient à une dimension profonde, philosophique, voire spirituelle : ce sujet nous ramène à notre rapport humain à la vie et à la mort.


Vote à main levée pour prendre la température dans la salle :

Qui a l'impression que ses journées sont ultra chargées, sont parfois vides de sens et que l'essentiel n'est pas forcément traité ? Environ les ¾ de la salle

Qui a l'impression de déguster régulièrement son temps ? Peu de gens.

Qui est en questionnement permanent sur la meilleure façon d’utiliser son temps ? Tout le monde ou presque

Qui a peur de la mort ? la moitié environ.


Je remercie Amandine pour cette question qu'elle a suggérée, parce que c'est vrai que c'est probablement la peur qui nous pousse à vouloir remplir nos journées, nos vies pour se sentir exister. Il y a sûrement une part d'explication par là et donc c'est intéressant d'accepter qu'en tant qu'être vivant, on a le cycle qu'il y a un début et une fin.


On va donc débattre maintenant avec tous les apports que vous pouvez nous apporter. On partage notre vécu, nos impressions. Encore une fois, sentez vous libres à tout moment de nous contredire. On adore ça


Première question : Comment définiriez-vous votre rapport à votre temps ? Quelles nuances mettez-vous éventuellement entre pro et perso ? Et quels liens vous faites à titre personnel avec l’urgence climatique ?


Olivier : Yes. Moi, j'ai une personnalité que j'apprends à accepter, accueillir, qui aime l'intensité. Et du coup, j'ai grandi à la montagne. Aller vite, c'était très grisant. Et donc, voilà, il y a une quinzaine d'années, le Web et la technologie, l'air digital, tout ça, c'était passionnant. Et aujourd'hui, je continue à apprécier l'intensité, mais par un rapport que je dirais pluriel avec le temps. Ce n'est pas tout le temps à fond. C'est du à fond un peu et puis du ample lâche. Les Grecs avaient dans l'Antiquité trois dieux pour parler du temps. Vous avez le dieu Chronos, qui est un dieu titan qui mangeait ses enfants. C'est le dieu du chronomètre. Il permet d'être à l'heure à des rendez-vous, et il est bien utile en ça, vraiment. Mais c'est aussi celui à l'intérieur duquel je peux me sentir un peu comme un hamster qui va plus vite pour aller plus vite, pour aller plus vite. Et du coup, ils avaient deux autres dieux, un dieu qui s'appelle Kairos, qui est un petit dieu ailé qui passait subrepticement pour nous offrir des opportunités. Il fallait réussir à le saisir, écouter les signes, les coïncidences, les synchronicités pour se laisser inspirer. Newton, il avait bien compris ça. Il avait du temps avec Chronos dans son laboratoire et du temps sous son pommier pour Kairos. Et c'est là qu'il a vu la pomme tomber. Ce n'est pas du l'un ou l'autre, c'est du l'un ET l'autre. Et puis, il y avait aussi Aion, qui est le dieu des cycles des répétitions des saisons. On peut parler à la lune qui tourne autour de la Terre, aux planètes qui tournent autour du soleil. Donc d'avoir un temps un petit peu discipliné où des rituels ou des rendez vous, des temps forts viennent régulièrement dans la vie. J'essaye d'aborder de manière plurielle le temps, et plus juste à tout le berzingue. Ce que je peux dire aussi, c'est que du coup, en tant qu'entrepreneur, j'ai plusieurs activités qui ont des biens rythmes aussi différents et je crois que dans la complexité dans laquelle nous nous sommes, c'est bien d'avoir de la diversité d'activités, de la diversité de rapport au temps. C'est le principe de variété requise.

En complexité, face à un problème complexe, la solution est appelée à être variée. C'est un éloge de la lenteur quand ça fait du sens, un éloge du speed quand c'est bon, un éloge du « je me laisse porter », un éloge du « je tire » quand il faut.


Rachel : j'ai fait deux burn out dans ma carrière. La première fois, quand mon entreprise, de vêtements bio équitables que j'avais créé en 2001, a dû fermer ses portes en 2012. Ça a été assez violent. J'ai géré ça en mode « C'est pas grave, on met tout sous le tapis, on balance tout et puis on quitte Paris avec mon mari et les enfants et on vient s'installer en Bourgogne. » Bien sûr, évidemment, comme la vie est plus calme, comme on aura de la place, une grande maison, des poules dans le jardin, on va forcément ralentir et enfin savourer. Comme vous vous en doutez, ça ne marche pas. J'ai emmené mes problèmes, en tout cas, mon rapport au temps et mon rapport à mon implication professionnelle n'ayant absolument pas évolué. Quatre ans après, rebelote, un nouveau burn out. Donc, je dirais aussi que voilà, je suis quelqu'un qui a été très accro à l'intensité et au fait de travailler beaucoup, essayer de remplir ses journées et avec tout ce qui s'ensuit comme incapacité à savoir profiter. C'est excitant, mais ça fait mal quand même quand on se prend le panneau. C'est vrai qu'au deuxième, c'est là où je me suis dit « Il serait peut être temps d'apprivoiser aussi la lenteur. » Et contrairement à ce qu'on peut penser, la lenteur, ce n'est pas juste rien faire. Ce n'est pas juste : arrêter d'être rapide. C'est vraiment un autre rythme. C'est d'autres sensations dans le corps, c'est d'autres plaisirs que si on n'a pas l'habitude de le faire, notre cerveau ne va pas y aller naturellement. Nous, on reçoit énormément de gens qui nous disent « Je suis en arrêt parce que j'ai fait un burn out, donc. Je suis chez moi, mais c'est la cata. Je me dis « Il. Faudrait que je fasse quelque chose, mais je n'ai pas l'énergie » Je pense à mes collègues qui font plein de trucs, je me sens nulle. Je me dis : C'est être assise sur ton canapé à regarder la télé. Est ce qu'il faut que je sorte ? Mais si je sors, je vais voir des gens, j'aurais honte parce qu' eux, ils sont actifs et moi, je ne fais rien. »


Donc ça s'apprivoise. Je ne dis pas que j'ai parfaitement apprivoisé. J'ai un métier où justement, la chance que j'ai, c'est que j'apprends tout en faisant parce que ça met du temps. Et j'espère que ça sera le travail d'une vie parce que c'est super intéressant. Mais en tout cas, je suis en train d'apprendre à ralentir et d'apprendre à apprécier de ralentir. Je pense que j'ai quand même fait un bout de chemin, heureusement, parce que dans l'apprentissage, il y a aussi prendre le temps de célébrer, prendre le temps de se féliciter pour les petits progrès qu'on fait. Là, on revient au Kaizen, c'est à dire accepter que les petits pas sont finalement aussi magiques, importants, essentiels que les grands et que finalement, le bonheur est discret. Et donc, si vous ne prenez pas le temps de ralentir, c'est très facile de passer à côté. En tout cas, c'est mon challenge depuis quelque temps et j'espère qu'on pourra continuer à développer avec vous. J'imagine que certains d'entre vous se posent les mêmes questions.


Amandine : J'ai ma vie professionnelle, une vie où je dirige une ONG, on est 80 dans sept pays du monde. Le rapport du temps au temps est très différent d'un pays à l'autre. J'avais une collègue au Cameroun il y a quelques heures au téléphone qui me disait « J'ai perdu ma belle mère. Mais on n'est pas prêts, donc on ne va pas l'enterrer tout de suite. On va attendre un mois parce qu'on a vraiment besoin de temps”. Et je me dis « Waouh ! C'est un rapport de temps sacrément différent. » Donc moi, mon rapport avec eux peut aussi s'adapter. J'ai aussi ma vie professionnelle, au-delà du management qui est sur le sujet, la thématique climatique, environnementale. Quand on regarde les chiffres, c'est très tentant. Je trouve que vous êtes tous assez sensibilisés à la thématique. On est à plus 1,1 degré, ça va très, très vite, beaucoup plus vite que ce que les scientifiques allaient imaginer. Donc, on est quand même très forts. On va vraiment vite. On a six espèces sur dix en moyenne qui ont disparu depuis l’âge industriel. C'est pareil, on est plutôt rapides dans notre capacité à utiliser nos ressources. Ça veut dire que dans notre monde professionnel, nous, on se dit tout le temps « Il faut qu'on récupère ça. Il faut qu'on soit derrière et qu'on essaie au maximum de compenser ce qui se joue sur tout notre terrain d'intervention. Donc, on court, on court, on court et en même temps, parfois, on a très envie d’arrêter parce que finalement, le rapport au temps, c'est le rapport au monde. Si on est toujours dans cette course, nous aussi, ça veut dire qu'on joue le même jeu que celui du système et qu'on va peut être dans des chemins qui ne sont pas les bons. Donc, on essaye au maximum de prendre un peu de recul sur les situations et de se poser la question de où est exactement notre place par rapport à ces enjeux là ? Où sont les priorités ? Il y en a tellement. Comment est-ce qu'on les choisit ? Quels critères on prend pour intervenir ici ou là, pour prendre telle ou telle action ? Où est ce qu'on fera un petit peu la différence ? Ça, c'est professionnel et c'est très personnel aussi parce que finalement, ça irrigue énormément notre vie personnelle. Quand on travaille sur ces sujets, on y travaille beaucoup. Je passe beaucoup de soirées, de week-ends, j'ai des enfants et j'ai une vie à côté. Il y a beaucoup de moments qui sont des moments de grande fragilité, d'équilibre précaire. J'essaye à chaque fois de prendre le temps de respirer, de faire des choses que j'aime, qui vont me ressourcer, qui vont me donner de l'énergie. Mais il y a un mois, mon corps s'est arrêté.


L'association a fait un bond extraordinaire l'année dernière. On a développé très, très fortement notre budget, multiplié par deux pour pouvoir aller faire de très gros projets. On est passé de 50 personnes à 80 personnes. On a lancé le plus grand projet de restauration des mangroves en Cameroun. On a fait un super travail au niveau de l'association. Moi, j'ai commencé à vouloir écrire un roman que j'écrivais le soir en rentrant. Je voulais passer du temps avec mes enfants. Et en fait, je me disais génial, ça tient. Et en fait, j'ai été malade et mon corps n'a pas su gérer la maladie comme il faisait d'habitude. Je ne me suis pas suffisamment arrêtée et un matin, j'étais assise dans mon canapé et je ne pouvais plus me lever. Et je suis moi aussi, en train de remplir de tout ça et sans prendre soin de mon temps à moi, du temps de mon corps. Donc, je suis aussi pleine de fragilité.


Ophélie : Merci infiniment de partager aussi la vulnérabilité. C'est hyper intéressant parce que moi, je t'ai vu comme quelqu'un de très sage et des fois, ce qui se voit n'illustre pas ce qui est vécu. Merci beaucoup pour ce partage.


Deuxième question : Quelles expériences vous pourriez partager du moment où vous avez repris le contrôle de votre temps ? Que ce soit à l'échelle individuelle, comme on a commencé à le toucher ou à l'échelle collective, des fois, on est dans une équipe, dans un projet, dans une organisation qui va trop vite. Et si vous avez des exemples concrets, des choses que vous avez pu tester qui ont marché ou pas.


Rachel : Nous, on passe notre temps effectivement à donner des clés à nos participants pour se réapproprier le temps. Ce qui est hyper important à comprendre, c'est que la notion de temps, la notion d'urgence, elle est intimement liée au stress. C'est à dire que plus vous êtes stressé, plus vous avez un sentiment d'urgence. Donc, tant que vous êtes stressé, c'est hyper dur de ralentir. La première chose à faire, c'est de baisser le niveau de stress et, incidemment, le niveau de fatigue pour pouvoir reprendre la main. C'est important de commencer par mettre les choses dans leur ordre. Le niveau de stress, on ne se rend pas compte, mais quand on est à un niveau de stress très élevé, c'est tout simplement qu'on a des hormones de stress qui circulent à haute dose dans le corps. Je peux faire juste une petite explication sur le stress rapidement. Notre corps, malheureusement ou heureusement, en tout cas, il est cadré comme quand on vivait dans les cavernes il y a 10 000 ans. Et on a un seul mécanisme de stress, c'est à dire que c'est un mécanisme de survie. On sort de la grotte, il y a un tigre qui nous saute dessus et là, le corps se met en marche pour pouvoir survivre, tout simplement. Donc vraiment survivre à une attaque qui met notre vie en danger. Donc, on va monter d'un seul coup très, très haut en stress. Tout notre corps va se mettre en marche pour réagir à cette urgence absolue vitale, une fois qu'on a survécu : mécanisme de récupération. Pour ceux qui connaissent, c'est le système sympathique et parasympathique. Et aujourd'hui, on a plus, très rarement, j'espère pour vous, des tigres qui nous sautent dessus. Ce qu'il y a aujourd'hui, c'est que on a une multitude de petits stress, donc le stress chronique, qui fait que tous les jours, pour la plupart d'entre nous, on a des petits stress qui se cumulent. Et c'est exactement le même mécanisme, c'est à dire que notre corps va faire ce mouvement de, en tout petit, d'essayer de fuir afin de tout faire pour qu'on puisse fuir, se battre, échapper aux fameux tigres et donc survivre.

Et en fait, le truc, c'est que comme ce sont des petits stress, le corps ne déclenche pas le mécanisme de récupération derrière. C'est -à -dire que vous ne dites pas après avoir reçu un mail désagréable, « Attends deux secondes, faut que je me pose. J'ai failli y passer. Je vais me poser. » Et donc vous ne prenez pas le temps. On ne prend pas le temps de récupérer. Donc qu'est ce qui se passe ? On monte petit à petit, petit à petit, sans s'en apercevoir. Comme la grenouille dans sa casserole. Donc, on se rend même plus compte du niveau de stress auquel on en est. Sauf que notre corps, lui, il se dit « Vu le taux d'hormones qui circule, c'est sûrement un tigre. Ma vie est en danger. Donc, urgence soit, il faut survivre. Donc, je cours, je cours, je cours parce que ma vie est en danger. Et en fait, quand vous êtes à ce niveau là de stress, vous ne faites pas du tout la différence entre l'urgent et l'important. Tout est urgent parce que votre corps a compris que votre vie était en danger. C'est pour ça que c'est hyper important de commencer par gérer son stress avant de se dire « Comment je reprends la main sur mon temps ? »c'est « Comment je reprends la main sur mon stress ? » Parce que tant que vous êtes hyper stressés, votre corps essaye de vous aider et de faire survivre. C'est pour ça que toutes les clés qu'on donne sont liées avant tout au fait de descendre son niveau de stress. Faites les choses dans l'ordre. Descendre son niveau de stress, prendre le temps de se reposer et après se dire comment je peux durablement m'en sortir.


Olivier : Ça me nourrit dans mon rapport à l'autre temps et peut être, dans ce qu'on a dit, c'est surtout dans mon rapport à la vitesse. Et c'est vrai qu'il est possible qu'il y ait une confusion, un amalgame entre temps et vitesse dans notre société. Je veux bien nommer un distingo. Sur la relation à la vitesse, moi, il y a un truc qui m'a aidé, c'était de sortir de ma roue et j'ai bossé à mi temps chez Danone. J'ai eu la chance de faire un format un peu particulier où je bossais deux mois, deux mois, je ne bossais pas. Et ça s'est super bien passé, ça m'a permis de rien faire, de faire des trucs intéressants, de rencontrer des personnes sympas, voyager, écrire, lire, vivre. Et j'avais écrit un mail d'absence en mettant : pour les mails qui sont vraiment importants, vous écrivez à prioritéOlivierMorel@gmail.com. Comme ça, je les avais à un endroit les plus importants et je pouvais les lire. Et il n'y avait que des merdes dedans. Il n'y avait que des trucs pas importants où je me dis « Vraiment, tu pensais que ça, c'était prioritaire ? » Et puis, il n'y en avait pas tellement. Donc, ça a relativisé la place de mon rôle sur le terrain. Quand on est sur le terrain et qu'il y a le ballon qui circule, on a vraiment envie de le prendre Et en fait, il avance tout seul, il n'y a pas besoin... D'ailleurs, souvent, il y a des ballons qui ne servent à rien. Et donc je pense que moins d'Olivier Morel apportait plus de valeur à Danone. D'ailleurs, je suis parti. Je blague un peu, mais ce n'est pas totalement faux comme expérience.


Peut être qu'il y a quelque chose du rapport à la présence. Ce n'est pas grave d'aller vite si je suis présent dans la vitesse. C'est ça être dans le flow et c'est ça être dans la zone en sport. C'est qu'il y a un maximum d'efficacité, maximum d'aisance, mais c'est difficile d'être tout le temps dans la zone. J'ai grandi avec l'idée que le temps était linéaire, qu'il y avait un passé, un présent et un futur et qu'il y a une chaîne causale qui fait qu' on se dirige vers un truc qui dépend du passé. Et bien, c'est pas si sûr. Comment est-ce que j'arrive à vivre le présent en n'écoutant pas juste l'inertie négative du passé, mais en prenant ce qu'il y a de bon dans le passé et en écoutant aussi les graines de futur souhaitable ? Ça, ça demande à un moment de faire un pas de côté.


Amandine : Je pense qu'il y a déjà quelque chose qui est de l'ordre du « Comment vit le collectif ? ». Pour reprendre le temps, il faut qu'on reprenne l'attention au collectif. Quand on est dans une vie professionnelle avec des équipes, je pense qu'on doit pouvoir passer sur un management beaucoup plus à l'écoute de qui sont les individualités, quels sont les enjeux du collectif ? Où est ce qu'on veut l'emmener ? Comment est ce qu'on prend le temps d'embarquer l'ensemble des personnes dans ce collectif là. Pour moi, c'est déjà savoir reprendre le pouvoir sur notre temps en tant qu'organisation. Peut être qu'un jour, on Pourra mettre les gens Ensemble autour d'un sujet, se poser, poser les bonnes questions, regarder les options, réfléchir à où est ce qu'on veut agir en priorité, faire la différence, qu'est ce qui compte et agir massivement et peut être rapidement, mais en ayant pris ce temps là. Je pense que c'est la première chose que j'essaie de mettre en place et que j'appelle à mettre en place dans nos collectifs. Ensuite, dans nos vies personnelles, il faut qu'on prenne des temps qui nous sont importants. Je ne sais pas ce que vous aimez faire, danser, faire du sport. Et ça, il ne faut jamais le perdre. Nous, on a choisi de partir en famille pendant deux mois l'été dernier. Ce n'est pas évident quand on a toute la vie qui court. J'ai mon mari qui fait une grande entreprise et ça court et ça court. C'est un truc de fou. Et pendant deux mois, je coupe tout et je me laisse ce temps-là. Mais je pense qu'on peut tous s'ouvrir ces portes là et en fonction de où est ce qu'on est, quelle organisation on est, quelle est la petite porte qu'on va ouvrir et peut être une autre après.


Est ce qu'on gagne plus de liberté dans notre façon de travailler ? Comment est-ce qu'on s'organise, on ne devrait pas avoir des heures de travail entre 9h00 et 19h00, à moins qu'on soit dans des métiers qui demandent spécifiquement. Mais on doit avoir des temps collectifs, on doit avoir des temps collectifs, on doit avoir des temps collectifs, mais aussi des temps et une liberté. C'est ça qui va faire qu'on va être au bon endroit, se poser les bonnes questions. Et puis, peut être une dernière chose, c'est le choix du temps qu'on passe au travail. Je ne sais pas ce que vous faites dans votre vie professionnelle. Moi, j'ai commencé, j'étais vendeuse de yaourts. Et c'était très bien pour comprendre comment fonctionnaient les entreprises et quels étaient ses leviers de motivation, ses contraintes,pour pouvoir la transformer de l'intérieur vers l'extérieur. Mais vendeuse de yaourt, je faisais la négociation avec les grands comptes chez Leclerc. Ils me voyaient arriver en mode « Qu'est ce que tu fais là ?» et en fait, c'était probablement pas là où mon temps était le mieux utilisé. C'était important dans mon passage de vie. J'ai appris plein de choses et ça m'a permis d'aller ailleurs ensuite. Mais il faut que je pense, toujours se poser la question de dans notre vie professionnelle, où est ce qu'on veut passer notre temps ? On y met beaucoup de. Cœur, quelle que soit l'organisation, on y met des compétences, on y met de l'énergie, mais il ne faut jamais lâcher ce sujet de où est ce que je suis juste à la bonne place. Et quand je suis passée de chez Danone à chez Planète Urgence, j'ai divisé mon salaire par deux. J'ai augmenté mes emmerdes par dix et mon temps de travail, fortement. Mais en fait, ce temps là, il est bien utilisé. Je me sens alignée, je me sens à un bon endroit. Donc ça aussi, je pense que c'est une des actions importantes.


Une personne du public : J'ai observé que le temps n'est pas le même pour chacun de nous. Vous avez parlé de racines archaïques. Dans nos cerveaux archaïques, il y a deux logiciels. Je vous propose ça. Il y a le logiciel allemand, le temps est carré. Et puis, il y a le logiciel italien. Et ça, ce n'est pas pareil. Et donc l'allemand, il est toujours à l'heure et l'italien, il est toujours à l'heure qu'il est. Dans nos rapports de couple ou dans nos équipes, on vit tous ce problème là, c'est qu'il y a plus ou moins la moitié qui est un peu allemande et l'autre moitié qui est un peu italienne. Et pour démarrer une réunion, c'est compliqué. Il y a quelqu'un qui a voulu faire le séminaire pour les Allemands et les Italiens pour leur apprendre à travailler ensemble, mais qui n'est jamais à la tête, parce qu'ils n'étaient pas au même moment. Donc, je vous livre cette idée que nous n'avons pas tous le même logiciel sur le temps et que c'est intéressant de le regarder.


La deuxième observation, c'est que vous avez parlé du flow. Ce qui caractérise le flow, c'est que L'ego est mis de côté. Le temps se dilue et on est focalisé. Donc moi, j'ai compris que c'était important d' observer les activités dans lesquelles j'oublie le temps, parce que je suis dedans. Et c'est important parce que par rapport à nos experts, on n'a pas besoin d'une seule analyse précieuse, d'une seule conscience. Quand on comprend ça, parce qu'il suffit de savoir dans quoi on est présent, focalisé, le temps change.


Une personne du public : Comment on fait dans une organisation professionnelle pour sensibiliser les personnes à ce rapport au temps et au besoin de ralentir ?


Amandine : Moi, c'est une toute petite expérience que je partage. Dans mon association, il y a des gens qui fonctionnent de façon très différente. Il y en a qui sont toujours en train de courir. Il y en a qui ont très peur de la mort. Je reviens juste sur ce sujet là. Parce que sinon, pour moi, on est dans cette course au temps quand on a peur de la mort. Parce que ce qui nous fait peur, c'est qu'il y a un début et une fin. Et donc, entre les deux. Qu'est ce que je fais ? Où est ce que je suis ? Qu'est ce que Je suis ? Qu'est ce qui est ma valeur de vie dans le monde ? Et du coup, j'ai envie de prouver et de me prouver personnellement, potentiellement que ça fait du sens. Et j'en ai, c'est très clair, ils ont un besoin de connaissance gigantesque. Et je sais pourquoi. C'est parce qu'ils ont peur de la mort.


J'ai des gens très différents dans l'organisation. Il y en a au début, effectivement, qui étaient pas du tout en écoute par rapport à ça. Et c'est OK. Mais par contre, progressivement, je pense qu'on tient un management ou un comité de direction qui est très à l'aise avec l'intelligence collective, avec les écoute du collectif, avec des temps... On vient dans la forêt et juste, on remet les pieds dans la terre, on reprend le temps des arbres. Un arbre, il est adolescent à 100 ans. Ça, ça dit tout. Quand on prend ces temps là, qu'on soit dans le collectif, qu'on les vit, qu'on a des managers qui sont sensibilisés, tout le monde y vient progressivement. Vraiment. Je n'en ai pas un qui est parti à cause de ça. Ils sont partis parce qu'on est mal payé. C'est comme quand on met quelqu'un dans un placard, mais c'est pas possible de mettre quelqu'un dans un placard. Quelqu'un dans un placard, dans une liste. Ce n'est pas possible. Chacun a un talent, chacun a une capacité, chacun a des ressources. Et c'est la même chose avec cette capacité d'être un acteur du changement. On l'est tous. Par contre, il faut qu'on ait un bon contexte qui nous le permette.


Une personne du public : Le fait de devenir mère a un peu bouleversé mon rapport au temps et de devoir être le garant du Temps chronos. C'est que l'école commencera forcément à 8h30 et je vois que ça va être extrêmement difficile de confronter ça au temps de l'enfant. De devoir être le chef qui rappelle que l'école est à 8h30 et qui leur rappelle environ 15 fois d’affilée tous les matins. C’est quelque chose qui vient vraiment me bouleverser dans mon rapport au temps et à la façon de travailler mon lien avec ma fille.


Ophélie : C'est intéressant parce que les deux questions ramènent à cette notion d'inconfort, à changer de rythme. Ce n'est pas facile de ralentir quand on aime aller vite.

Une personne du public : comment faire par rapport à ces sollicitations incessantes et de plus en plus incessantes avec ce truc qu'on n'arrive pas à ranger qui s'appelle Un téléphone ? Que ça soit des mails plus ou moins utiles, on nous attend, on nous attend, on nous attend alors qu'en fait, souvent, on pourait ne pas répondre et ça serait exactement pareil. Mais c'est dur de s'en donner aussi de la liberté.


Ophélie : Merci beaucoup pour ces commentaires. Et c'est vrai qu'on va y revenir sur comment le choisir, ce temps. C'est reprendre le pouvoir, c'est finalement qui nous l'impose à la norme sociale. Effectivement, en tant que dirigeant, on peut tenter de faire changer le rythme, mais en tant que collaborateur, on a aussi le pouvoir de dire non. Voire de s'en aller et ce n'est pas facile.


Olivier : Il y a des mots qui m'interpellent sur “reprendre le contrôle », « reprendre le pouvoir ». Je ne sais pas si c'est changer de rythme qui est le plus difficile ou d'accepter de ne pas faire ce qui était prévu. J'avais prévu que ça soit comme ça à telle heure. Voilà le plan, et la vie m'apporte autre chose que ce que mon mental m'avait dit être nécessaire et bon. Je crois que c'est ça qui n'est pas évident. En tout cas, c'est là où moi, je travaille. Enfin, je travaille sur moi, je veux dire. Moi, c'est l'Ennéagramme qui m'a beaucoup aidé pour justement comprendre comment mon ego fonctionnait. Et il a raison mon ego, il m'a été utile à plein d'endroits, mais à certains endroits, il me coupe du monde en me remettant dans mon mental, dans “comment devrait être le monde selon Olivier”. Mais en fait, je suis là pour vivre avec vous. Et du coup, c'est quitter ce pouvoir “sur”, ce pouvoir de contrôle pour aller vers un pouvoir “de”, qui soit dans l'empuissancement. Et ça, c'est un changement paradigmatique énorme.Et merci d’avoir parlé à certains endroits de fragilité. C'est que ce n'est pas tant que je suis faible, c'est que je capte des dissonances et que mes fragilités comme un fusible renseignent que le système ne tient plus. Ce n'est pas des faiblesses, c'est des renseignements.


Une personne du public: vous parlez de reprendre le contrôle sur son temps, mais moi j’ai plutôt envie de vous demander : comment apprendre à lâcher prise ?

Rachel : C'est sûr que ce n'est pas la société qui va vous dire de ralentir. Toute la structure de notre système est faite pour vous fixer des horaires, pour vous pousser à aller de l'avant. C'est là où ce n'est pas évident, c'est que ça doit venir de nous. Ne pas vouloir tout contrôler c'est se dire « Je prends la décision, je fais ma responsabilité de choisir de ralentir. » Et c'est un des seuls aspects où il n'y a que nous qui allons dire ça. Jamais, c'est très rare les patrons qui vont vous dire « Bon, cet après-midi, tu y vas cool parce que vraiment, on sent que tu as beaucoup donné. Donc là, tu vas ralentir pendant la semaine qui vient. D'ailleurs, je t'encourage à en faire vraiment moins. ». Et donc c'est pour ça que ça va être super important que vous développiez vos techniques, qui sont différentes pour chacun d'entre nous, qui vont vous permettre de revenir à vous même. Et ça passe forcément à un moment par le retour au corps. C'est pour ça que la respiration, la danse, tout ça, là, moi, je suis 100% d'accord. C'est ce qu'on enseigne dans mes césures. Le lâcher prise ? Pour beaucoup, c'est un gros mot, parce qu'en fait, le lâcher prise, ça ne s'explique pas, ça s'expérimente. Quand les gens m’en parlent, ils me disent « Oui, tout le monde me dit qu'il faut que je lâche, que je me calme, que je lâche prise, mais ça veut dire quoi ? Je ne comprends pas. » C'est normal de ne pas comprendre parce que c'est un truc à vivre. Si tu essaies de le trouver dans ta tête, tu ne vas pas trouver, tu vas juste le stresser encore plus. C'est pour ça que c'est important de prendre le temps de se dire « OK, je reviens à mon corps et finalement, il se passe quoi ? » Si c'était quelque chose qui n'était pas mental, en fait, ce ralentissement, si c'était quelque chose qui était de l'ordre animal. Quand vous touchez à Ça, Là, vous allez ressentir à nouveau dans votre corps ce qui se passe quand vous ralentissez et c'est un bonheur. Et en fait, c'est ça qui vous rend addict et qui va vous pousser à continuer à le faire. Si c'est pas agréable, vous n’allez pas le faire. Mais dire « OK, pendant cinq minutes, je respire ». J'ai fait mon devoir, je peux cocher. Si vous avez une appli qui vous dit « Attention, vous êtes trop stressé. »vous allez pouvoir dire « C'est bon, c'est comme les 10 000 pas, ça y est, j'ai tout fait bien. Donc, j’ai droit à être heureux puisque j'ai tout fait bien. » En fait, c'est vraiment des sensations. Cette question du temps vous invite à être connecté à vous-même et simplement à aimer vos sensations.


Amandine : J'avais un point sur l'enfance et je suis d'accord, quand on est jeune parent, on a envie que nos enfants suivent le rythme de la société parce qu'il faut être comme la société, il faut s'intégrer dans la société. Du coup, c'est très, très dur d'arriver à extraire autre chose. Et en même temps, c'est extrêmement important. On travaille beaucoup sur l'éducation et la sensibilisation à l'environnement autour des forêts sur lesquelles on travaille. Parce que les enfants, on leur apprend du cérébral, on leur apprend à être efficace, à être performant, à connaître par cœur, mais on ne leur apprend pas à vivre avec les vivants.On ne leur apprend pas à prendre leur temps, à faire des choix conscients, etc. Et donc, du coup, je n'ai absolument pas la recette pour gérer le timing du matin mais je pense que nos enfants et globalement, quand on agit et quand on veut avoir de l'impact, de penser à comment les enfants qui vont vivre le changement climatique de plein fouet, qui vont vivre la perte de la biodiversité, les enjeux alimentaires, etc, comment est ce que ce sont des enfants qui savent s'adapter au système qui existe et en même temps, être en conscience pour pouvoir le changer. Du coup, avoir cette discussion avec son enfant à 8h30, c'est toujours la course. On court toujours, mais pourquoi à ton avis ? Qu'est ce que tu préférerais faire ? Pourquoi c'est quand même important d'y aller ? Tu as amené cette discussion sur la conscience du temps aussi pour nos enfants et du savoir dire non. Les enfants, finalement, savent dire non parfois à de très bons moments. Quand ils ont une réaction particulière sur « ils ont besoin de temps », peut être qu'il faut aussi que nous, on se dise « Je suis en train d'essayer de mettre le système sur les épaules et que je l’écoute un petit peu plus.


Ophélie : Merci beaucoup pour tous ces premiers tuyaux, trucs et éclairages. On a évoqué rapidement l'inconfort de changer de rythme. Et comme la société valorise plutôt la vitesse, on va se demander comment on peut encore plus valoriser ces lenteur à titre individuel et collectif. J’avais envie de demander à nos trois invités quelle éloge de la lenteur ils feraient, et Rachel nous propose un petit ressenti pour qu'on puisse l’expérimenter.


Rachel : Oui, je vous propose un petit exercice de marche lente. La marche lente, c'est quelque chose qui a été développé par un moine bouddhiste C'est un exercice qui m'a été hyper douloureux. Il s'agit de marcher lentement. Dans nos séjours on le fait, à un moment je dis aux participants : « Là, on va ralentir, on va marcher lentement, mais vraiment lentement. » Et pour la moitié des gens, c'est comme moi, c'est juste insupportable. Parce que mon cerveau se dit « Attends, on va du point A au point B, pourquoi on ralentit alors qu'on pourrait y aller plus vite ? » Et ça m'a mis énormément de temps et j'ai dû ruser avec mon cerveau pour juste apprécier de ralentir. Au début, je me disais « Mais en fait, t'es en train de perdre ton temps. » C'était pas possible pour moi de dire « C'est cool d'aller lentement. » Et en fait, je suis bien là où je suis et il n'y a aucune urgence. J'ai dû passer par un artifice qui est « OK, tu vas quand même te fixer un objectif. Tu vas essayer de faire le plus beau mouvement de marche lente possible. Puisque tout l'enjeu de la marche lente, et peut être que vous allez toucher du doigt ça quand on aura juste trois minutes pour le faire, c'est de ne pas avoir d'objectif. On lâche l'objectif. On est déjà parfait, on est déjà là où il faut être. Donc moi, je n'ai pas réussi tout de suite. Je me suis fixé un objectif secondaire, faire un truc beau pour arriver après à lâcher. C'est OK, je ne m'en veux pas, je suis comme ça. Si j'ai besoin de paliers ce n'est pas grave. Donc, je vous invite à vous lever.


Je vais vous faire la démonstration. C'est ce rythme là. Je suis en train de marcher là (elle met 1 minute à faire un pas). Donc, il faut aller vraiment le plus lentement possible. Je vous invite, si vous voulez bien, à aller le plus lentement possible. Et dans votre tête, si vous avez envie de vous voulez, vous pouvez vous répéter ce mantra « Je suis arrivée. ». »et vous pouvez même dire « Je suis arrivée dans l'ici et le maintenant, là où la vie est disponible. » Et en fait, c'est un espace que vous allez vous offrir et vous allez vous autoriser juste à ralentir le temps. (3mn d’exercice collectif où nous parcourons chacun moins d’un mètre).


Réactions dans le public : Moi j’ai perdu l’équilibre…


Rachel : Oui, top. Cette notion d’équilibre, c'est hyper important et on s'aperçoit que quand on ralentit, si on n'est pas équilibré, ça se voit tout de suite dans tous les sens du terme.


Public : La notion de vitesse, de temps, c'est vrai que parfois, on pourrait dire vite. Faut gagner du temps.

Le final, c'est le temps gagné…


Rachel : C'est ça. Tu as réussi à très vite faire ce dossier, donc tu peux en prendre deux autres. C'est trop cool…


Une personne du public : Je trouve que le rythme n'est pas toujours le même. On ne peut pas être constamment lent. Il y a des différents rythmes dans la lenteur.


Rachel : Effectivement, en fait, le fait que tu le dises, ça veut dire que tu as apporté beaucoup de conscience dans ce rythme. Rien que ça, c'est le but de l'exercice. C'est à dire le but, évidemment, c'est de marcher le plus longtemps possible. Il n'y a pas de but. Le but, c'est d'être avec soi. Si on peut donner un but, mais c'est le but de la vie globalement.


Une personne du public : Je trouve ça génial que tout le monde soit sur le même rythme. C'est très apaisant d'avoir du calme. Je trouve ça hyper bien que ça montre à quel point l'environnement aussi joue sur le rapport au temps et à ce qu'on peut vivre.


Rachel : Est ce qu'il y en a qui ont trouvé l'exercice difficile, douloureux ou autres ? Est ce qu'il y en a pour qui ça a été désagréable ?


Public : Oui.


Rachel : Oui, c'est normal. Oui, c'est clair. Ce n'est pas simple de pas mentir.


Une personne du public : oui c’était insupportable. Je me disais “est que c'est pas juste mieux d'être assise à rien faire que de faire un truc entre deux comme ça ?”


Rachel : tout à fait. Quand les expériences ne sont pas forcément évidentes, ça vous apprend des choses aussi sur vous. C'est ça qui est hyper intéressant. Pourquoi faire lentement, C'est plus compliqué pour moi que de ne rien faire ?


Ophélie : Je me permets juste de partager mes paradoxes. Moi, ça m'a fait prendre conscience, par rapport à ce qu'on disait avant, l'acceptation sociale, etc. Moi, c'est d'être comme les autres mon driver. Ce n'est pas tellement d'avoir le contrôle sur le temps, mais c'est d'être accepté par le groupe. Et là, je me suis vue détester ça et dans l'imitation, je me suis dit « Tiens, elle fait comme ça, je vais essayer de me mettre au même rythme qu'elle ». Parce que comme ça, je suis « OK, je suis comme les autres ». Et je me suis fait un peu pitié de penser comme ça (rires).


Du coup, peut-être Amandine, Olivier, vous voudriez compléter cet éloge de la lenteur qui n'est pas forcément encore vécue positivement par chacun et chacune ?


Amandine : je crois qu'il y avait beaucoup de questions sur la culpabilité. Je me sens coupable de prendre du temps, mon temps, etc. Je vais vous donner quelques chiffres pour vous déculpabiliser. La Terre, est ce que vous savez quel âge elle a ? 4,6. Milliards d’années. Si on met ça sur une donnée de 24 heures, l'humain, il est Là depuis ? Je crois que c'est sept minutes. Il est là depuis sept minutes sur 24 heures. Donc nous, on arrive à la fin de la chaîne, les humains. Donc, on est, par rapport à la vie sur Terre, rien, une poussière d'étoile. Et en plus, on est 8 milliards. Donc, on est un parmi 8 milliards sur un temps extrêmement long. Donc, finalement, quoi qu'il se passe, notre trace sur Terre, c'est pas très grave. Si on se pose une heure, une journée, deux mois, deux ans sans rien faire. C'est pas très grave. Ça ne changera pas le monde. Et je pense que c'est important de se rappeler ça. C'est pas vraiment un éloge à la lenteur, mais c'est juste se redonner la perspective de moi par rapport au monde. Qu'est ce que je suis ? Finalement, je ne suis rien et c'est très bien comme ça. Et par contre, je peux beaucoup. Je peux énormément en collectif, quand j'ai des choses qui me chevillent au corps et sur lesquelles je vais agir.


Olivier : Merci Amandine de faire apparaître le temps profond, cette remise en proportion de l'histoire du vivant, c'est aussi une des pratiques qui m'a aidé. La Deep Time Walk de marcher quelques kilomètres, 4,6 pour revivre à travers une marche l'histoire de la Terre, de sa création à nos jours, avec ce pouvoir magique de traverser en un pas un million d'années. Donc, au bout de 4 600 pas, on a traversé 4,6 kilomètres et donc 4,6 milliards d'années. La Deep Time Walk, qui fonctionne dans l'entreprise, comme une alignement avec des comités de direction pour justement les aider à goûter ce sens des proportions. Oui, mais ce n'est pas parce que je ne suis pas grand chose que ma goutte d'eau ne compte pas dans cet océan. Quand on parle de lâcher prise, peut être qu'une partie en moi peut se sentir coupable d'abandonner à l'époque actuelle où il y a des grands enjeux, de confondre lâcher prise et abandon. En fait, il y a un sujet à nouveau d'ego, de lâcher la croyance que c'est grâce à moi que tout va bien se passer, lâcher le sauveur qui pense que c'est lui qui va changer le monde. J'ai rêvé d'être un change maker. C'est lâcher le pouvoir et redonner le pouvoir à la source, au vivant et revenir à ses principes. Dit autrement, même dans le secteur de l'impact, avec toute la générosité que nous avons, je crois que nous cultivons encore souvent l'idée que nous avons le pouvoir de changer des choses. Le pouvoir qu'on a, c'est de changer nous-même, pas les choses, pas les autres. Personne n'a envie d'être convaincu. Être con et vaincu, c’est beaucoup pour une seule personne. Donc, il y a un sujet de transformation personnelle. Et à nouveau, il pourrait y avoir cette confusion ou cette superposition de lenteur avec ralenti. Mais en fait, l’éloge de la lenteur c’est un éloge de la conscience : et comment est ce que moi, humain, je peux être à la bonne qualité de présence et la bonne qualité de conscience ? C'est vrai qu'il peut y avoir une corrélation entre vitesse ou lenteur et présence, mais pas exclusivement. À certaines personnes qui, sur les chemins de transition, disent « Mais alors, qu'est ce que tu fais, tu t'arrêtes ? » Non, c'est juste que j'arrête de m'agiter parce que le futur, il va être différent. Donc, si on fait du More of the same et du Faster of the same, un enfant comprend que les mêmes causes entraînent les mêmes effets.


Une personne du public : Oui, je voulais juste partager, ce qui vient d’être dit me fait penser à un terme qu’on n’a pas trop prononcé encore, c'est la qualité du temps. Et je pense que ça questionne beaucoup. Dans le rapport aussi à l'environnement, aux conséquences. La manière dont l'humanité a utilisé son temps, peut être, que ça dépasse l'idée de rapidité ou de lenteur pour produire un truc un peu plus profond. Je ne sais pas ce que vous en pensez.


Olivier : Top. Du coup, pour ceux qui s'intéressent à l'écologie, je vous invite vraiment à vous intéresser à l'écologie profonde qui a été développée il y a une quarantaine d'années et à un auteur toujours vivant et activiste qui s'appelle Satish Kumar, il y a des vidéos de lui extras sur YouTube. En écologie profonde, il y a l'invitation à dire que oui, on va avoir besoin du quantitatif pour la transition. On a besoin de tableaux de bord, de KPIS,de chiffres, de mesures, d'index, de baromètres. Oui, on en a besoin, mais la vie n'est pas que ça. Et à côté du quantitatif, du chrono, j'ai besoin du qualitatif. Et ça, ça se mesure avec des sensations, le retour au corps, avec l'intuition, avec la relation. Donc, il y a vraiment un changement de paradigme du quantitatif au qualitatif. Ça ne disqualifie pas le quantitatif. J'en ai besoin. Et/mais ne pas tout regarder par les chiffres. Et c'est pour ça que merci à l'impact d'exister, mais j'espère que l'impact ne va pas se faire avaler par big data. Même si on a besoin du big data, l'idée c'est de trouver les justes proportions.


Une personne du public : Je voulais partager une expérience un peu transformatrice eue pendant une semaine de déconnexion, où on a finalement analysé qu'il y a trois ingrédients qui nous ont permis de ralentir et d'avoir un déclic. Et que cette expérience transformatrice, pour prendre un déclic vraiment sur le temps, sur notre rapport au temps et sur l'écologie, avait trop de troisième ingrédient était le fait de se sortir de son quotidien, parce que c'est bien de faire de la respiration entre les chaussures des enfants et le bain. C'est bien, mais vraiment le faire, profondément pendant une semaine, se sortir vraiment du quotidien et donc du souci du quotidien ça fait baisser le niveau de stress. Le deuxième ingrédient, c'est qu'effectivement, il y a une distorsion du temps avec des exercices de ralentissement et d'accélération, que ce soit dans le corps, dans le cerveau ou dans le cœur. C'est que là, on va faire appel aux sens, c'est à dire qu'on va faire des exercices physiques très lents et très rapides, des exercices intellectuels très lents et très rapides et des souvenirs où on va aller très loin dans le temps passé et dans le temps futur. Il y a une distorsion de temps qui permet de prendre un déclic sur le temps. Il y a un troisième ingrédient qui était le fait d'être en collectif. Pour se connecter aux autres, il faut vraiment se connecter à leur vulnérabilité et à leur histoire. Et en fait, en société, on a peur de parler de vulnérabilité. Et en entreprise souvent on s'en fiche de ta vulnérabilité ou tes émotions, ou si tu ne vas pas bien, ça va, OK, mais on ira boire un café tout à l'heure, mais sinon ton tableau, tu l'as fait ? Et en fait c'est extrêmement important pour comprendre l'autre, pour comprendre l'humain et le vivant, de faire part de sa vulnérabilité. Et dans ce groupe là, chacun a fait part de sa vulnérabilité. C'est très difficile. Vous en avez fait part tout à l'heure et vous avez ralenti le temps. Quand vous avez parlé de « Il y a un mois, mon corps a craqué. » Moi, à ce moment-là, mon temps a ralenti quand vous avez fait part de votre vulnérabilité. Et quand d'autres personnes font part de leur vulnérabilité, le temps ralentit aussi. Donc, chacun se connecte les uns avec les autres. Ça vibre très fort quand on ralentit le temps et qu'on se connecte avec les autres. La force du collectif, c'est quand chacun se montre vulnérable. Bien sûr, l'idée n'est pas de rester sur la vulnérabilité, mais de se connecter pour aller plus loin encore.


Olivier : Tu es allée dans quel beau lieu ?


Personne dans le public : On a fait un bilan de compétences un peu disruptif en Dordogne, au château de Crécy, je crois. Et le fait de prendre cette semaine et de se dire « OK, je sors de mes soucis, je suis sors de mes gosses, je sors de mes slides ». Il y a un rapport au temps qui change.


Olivier : Merci. Il y a vraiment des voyages passionnants à explorer et pour reprendre tes trois ingrédients, mais avec moins de kilomètres, un lieu qui change un peu de l'ordinaire, qui amène de la distorsion du temps et de la connexion à l'autre, c'est le passage de la tête au cœur. Comment est ce que je sors d'une sur-pondération du mental et que je redescends dans mon chakra du cœur ? Il y a un super livre qui s'appelle La contagion du cœur, qui est sorti l'année dernière d'une journaliste scientifique qui s'appelle Laurence de La Baume, que je vous conseille. C'est vraiment, je crois, ce que notre société est appelée à vivre. Dans les traditions amérindiennes, il y a une prophétie qui s'appelle la prophétie de l'aigle et du condor, qui a été partagée par le thérapeute et acteur Arnaud Riou, et qui est vraiment la conjonction et la combinaison des deux. C'est l'aigle et le condor qui volent ensemble, l'énergie de la tête et l'énergie du cœur qui volent ensemble. Longtemps, pendant 500 ans, l'aigle a dominé l'énergie de la tête, et merci, parce qu'elle a permis de grandes inventions, d'améliorer le confort de vie. Et là, le condor revient pour voler avec l’aigle. On est à cet endroit là, suivant la prophétie.


Une personne du public : Merci pour tous les outils que vous nous donnez, et pour tous les partages. C'est hyper inspirant. Vous arrivez toujours à créer, dans ces tables rondes que je suis à chaque fois, un cercle de vulnérabilité où personne ne se connaît et tout le monde se confie. Merci pour ça. Moi, je travaille toute la journée avec des militants, avec des organisations engagées, qui arrivent à me convaincre sur pas mal de points, au fur et à mesure du point, vu le temps et moi, ma question, c'est comment. On ne tombe pas dans une sur-responsabilisation de L'individu qui Doit agir tout seul, sur lui, face au temps ? Parce que là, on parle du temps. Comment on garde une sorte d'indignation saine face à la société ? Et comment on change le système ? Vous en avez parlé. Comment on garde cette envie de changer le système et de ne pas juste se concentrer sur soi. Bref, comment on reste dans l'équilibre.Entre ma responsabilité et la responsabilité du système ? Parce que ce qui nous a permis de travailler cinq jours et 35 heures c'est quand même des gens qui se sont indignés. Ce n'est pas des gens qui se sont concentrés uniquement sur eux, c'est des syndicats qui ont lutté. Bref, comment on est dans le juste équilibre entre lutte collective et travail sur soi ?


Amandine : Honnêtement, je n'en sais rien. C'est ultra compliqué. Vraiment, au quotidien, c'est dur parce que tu vois ce monde qui se dessine, tu vois des choix qui sont faits et donc tu as envie de dire « Mais non, il faut aller beaucoup plus vite, beaucoup plus loin, beaucoup plus fort. » C'est notre responsabilité, sinon tout s'effondre et on y va et on se révolte ! Ce que je vois, c'est qu'il faut agir concrètement sur le terrain, faire des transformations avec les communautés locales, retravailler sur des Oasis et ça, ça prend du temps. Je pense qu'il faut garder cette indignation et parfois, elle grandit, elle te bouffe un peu et tu te retrouves sur le canapé à te dire « C'est dur, non ? » Elle m'a dévorée cette indignation et je vais laisser mon corps allongé trois jours et ça ira mieux après, je repartirai. Mais il faut la garder cette indignation, parce que c'est elle qui nous fait bouger. Il faut aussi la nourrir, parce qu'on se fait endormir. Et la réveiller avec des collectifs, la réveiller avec du terrain, du concret. Il faut vivre cette indignation. Mais par contre, il faut aussi se protéger et il faut remettre les mains dans la terre. Les yeux dans les étoiles. Se redire qu'on n'est pas grand chose dans le cosmos, mais qu'on peut faire beaucoup. Et je pense que la relation à la nature, la relation au temps, en fait faut juste expérimenter. Quand t'es dans une structure qui s'indigne, il faut aussi pouvoir vivre son indignation. Si moi, je protège les forêts partout dans le monde et que je ne suis pas capable de passer du temps en forêt au lieu de me nourrir de la forêt, il y a un désalignement complet. Moi, j'embrasse les arbres. Vraiment, je pense que c'est important d'arriver à trouver en fonction de ton imagination, c'est la tienne, comment tu gardes ce lien au terrain et puis comment tu fais les choses en prenant le temps de bien les faire. Les communautés avec lesquelles on travaille, leur quotidien c'est de trouver de la nourriture pour les enfants, c'est de pouvoir vivre au jour le jour. C'est une urgence alimentaire, sanitaire, etc. Quand tu leur parles de grandes transformations, tu n'es pas sur le même temps qu'eux. Tu as besoin d'un temps monumental pour créer la confiance. Là, on vient de développer un nouveau projet au Bénin, sur les forêts sacrées. Tu rentres dans la forêt après avoir fait des danses, après avoir demandé aux arbres de t'accueillir, etc. Quand tu veux travailler sur la protection de ces forêts, il faut prendre le temps de comprendre cette culture, de savoir ce qui se joue, les chefs locaux qui décident comment ils décident ensemble. Et ça, ça dure un long moment. Ça peut durer parfois cinq ans, ce temps de bien comprendre les choses. Donc, je pense qu'il faut de l'indignation, il faut de l'urgence. Il faut aussi savoir prendre son temps.


Olivier : sur le mot de l'indignation, je voudrais réagir. Qui s'indigne quand je m'indigne ? Qui s'indigne en moi quand je m'indigne ? Et du coup, il y a un travail d'ego à faire, de discernement. C'est qui en moi qui kiffe la confrontation ? Il y a de la dope dans l'opposition archaïque. Et ça veut pas dire qu'elle est malsaine. C'est la quantité qui fait le poison. C'est trouver le juste réglage pour pas être dans la réactivité. Il y a des colères qui sont saines, il y a des « ya basta » qui sont justes. Parce que ce n'est pas parce que les humains avaient comme moyen pour faire avancer les choses la lutte, que c'est une règle universelle et admissible. Peut être que dans certains contextes, il y a eu besoin de la lutte. Peut être que maintenant, il peut y avoir d'autres formes d’action. Shrirobindo, qui est un philosophe activiste indien de la fin du XIXᵉ, début du XXᵉ, qui a donné naissance à Auroville, à cette phrase « Les humains sont la première espèce qui peut être consciente et actrice de sa propre évolution. » L'évolution, ça existe depuis toujours. C'est un des principes du vivant. Tout évolue. Notre espèce a la possibilité de se voir évoluer, d'être consciente de son évolution et d'être actrice de sa propre évolution. Et j'ai la sensation, l'aspiration, que l'écologie ne doit pas être un nouveau support pour maintenir la lutte et la tyrannie et la confrontation. Je n'ai pas envie que la crise écologique soit aussi l'expression de rapport de force, de « t'as tort, c'est moi qui ai raison » et que le passage de l'ego à l’éco, c'est maintenant. C'est comment est ce que je passe de “l'égologie” à l'écologie ?”


Ophélie : Merci pour ces questions et ces partages. Je me permets juste de partager deux réactions personnelles à ta question. Pour choisir son temps, je crois qu'effectivement, ça ne dépend que de nous. Il y a trois trucs qui m'ont aidée. Un, m'entourer de personnes qui m'aident, parce que je peux retomber dans mes pièges. Et par rapport à ce que disait Olivier, c'est choisir ce temps entre le stimulus et la réaction. Choisir consciemment de dire « Je ne réagis pas. » Je choisis de prendre deux ou trois secondes avant de réagir et déjà, ça aide beaucoup. La deuxième chose, c'est quelqu'un qui m'a fait sentir que je fais partie de la nature, parce que je trouvais ça hyper égoïste de m'occuper de moi. Il y a des choses beaucoup plus importantes à faire, mais tu es la nature et prendre soin de toi, c'est prendre soin de la nature. Et ton écologie humaine, elle a un effet de Résonance dans le monde. Et donc, si tu vas mal, tu ne peux pas sauver le monde. Et en lien avec ça, une autre métaphore, c'est que si on veut planter des graines et les arroser, nous sommes une fontaine et qu'une fontaine vide n'a pas d'eau. Donc c'est comme quand tu remplis la fontaine, c'est pas égoïste et ça ne t'empêche pas d’être militante si c’est ce dont tu as envie. Voilà, c'était mon petit partage réactif. J'ai quand même pris le temps de réfléchir à ma réaction.


Peut être pour conclure, on a partagé des outils comme ça au fil de l'eau, au fil de ce temps ensemble. J'ai envie de demander à nos trois invités peut-être le mot de la fin avec le dernier conseil qu'ils ont envie de vous donner ou la question dont ils ont envie de discuter avec vous pendant l'apéro. Et peut être dans la salle des réactions à chaud de ce que vous gardez, ce qui vous a manqué, que vous voulez aussi discuter à l’apero.



Rachel : Un propos qui m'a interpellée et je trouve qui est vraiment important, c'est effectivement comment on s'autorise à prendre le temps quand on accepte qu'on n'est pas indispensable. Et ça, pour moi, ça a été compliqué à entendre et en même temps libérateur. Parce qu'en fait, dans mes valeurs, je ne suis pas censée me croire indispensable. Mais quand j'essaye d'être partout tout le temps, sans jamais m'arrêter, j'agis comme si je l'étais en fait. Donc à un moment, m'autoriser à dire « Attends, là, c'est bon, là, laisse faire. Je n'ai pas obligé de faire partie de ce projet, de faire partie de cette sortie, de mettre ton grain de sel, de dire un truc”. À partir du moment où vous acceptez que vous n'êtes pas indispensable, peut-être que ça rejoint la peur de la mort aussi. C'est-à-dire, oui, même si je meurs, les choses vont continuer. À partir de là, peut être qu'on peut s'autoriser plus facilement à prendre le temps.


Pour ça, ce qui est hyper important, c'est d'être suffisamment connecté à son corps pour entendre quand ça clignote. C'est à dire qu'au début, les signaux où on commence à être hors de sa zone de flow, où on stresse, on speed juste parce qu'on est pris dans la roue du hamster, c'est des signaux que vous n'entendez même plus si vous êtes addict à ça, si vous fonctionnez comme ça depuis des mois, des années.


C'est comment J'écoute mon corps, je me reconnecte à lui. Ça se fait très bien quand vous prenez du temps off, effectivement, parce que là, vous revenez dans votre corps. On est tous différents. Moi, par exemple, c'est quand je me lève et que dès le réveil, j'ai la boule au ventre. Dès le réveil, j'ai la to do list en tête. Je me dis « Bon, il va falloir prendre du temps », même si ça ne me fait pas plaisir. Je me dis « Attends, tu n’as pas que ça à faire. Tu n'as pas le temps de prendre du temps. » C'est à ce moment là qu' il faut le plus le faire. Donc déjà, écoutez mes petits signaux. Et là, ne pas juger les signaux du corps. Moi, c'est ce qui m'est arrivé pendant des années. Genre « Bon, tu as la boule au ventre, mais franchement, il y a pas de quoi stresser, donc c'est bon. On fait comme si ça n'existait pas. Donc juste dire « OK, mon corps a emmagasiné du stress, de la tension, de la fatigue.Donc, je ne juge pas. J'accepte que je prenne un petit temps pour ralentir. Donc prendre ce temps, parfois, vous avez deux minutes, parfois vous avez cinq minutes, parfois vous avez une journée et on ne va pas agir de la même manière selon le temps.


Par exemple, en deux minutes, vous pouvez faire un truc hyper simple qui est la douche énergétique. Je vais le faire en deux secondes. J'ai perçu que j'ai accumulé du stress. Par exemple, je viens de recevoir un mail pas top qui suit une journée pas top.. Je prends le temps, je me dis OK, là, j'ai les signaux qui commencent à clignoter ». Douche énergétique hyper simple, c'est juste ça. Le mouvement, c'est obligatoire. Parce qu'en fait, vous vous souvenez, quand vous commencez à stresser et à vous mettre en speed, votre corps se met en situation d'agir soit pour fuir, soit pour se battre. Donc, il faut décharger. Douche énergétique, je frotte un peu partout, je respire. J'imagine que je secoue la poussière. Là, je l'ai fait en une minute. Voilà. Donc, déjà, juste un truc comme ça. Tout ce qui vous fait bouger, qui vous met dans la tête que là, c'est bon, vous avez entendu le signal, que vous avez agi. Et troisième élément hyper important, je me félicite de l'avoir fait. Donc, vous activez le circuit de la récompense. Parce que quand vous vous félicitez de l'avoir fait, ça veut dire que la fois suivante, vous allez avoir envie de le faire. Votre cerveau va dire « Ah oui, quand je fais ça, on me dit que c'est bien. » Donc voilà, écoutez les signaux du corps pour reconnecter, savoir les connaître. Et les miens, ce n'est pas les vôtres. Moi, mon associé, par exemple, c'est la nuque qui commence à se bloquer. Donc là, elle sait qu'il faut qu'elle agisse. Donc apprendre à les référer, d' agir toujours avec une partie physique, même si elle est légère. Les chiens, ils se secouent moi quand ils ont quelque chose qui les contrarie. Et enfin, vous félicitez. Donc là, vous reprenez le temps. Je ne me laisse pas partir dans le speed de « J'ai ça à faire et puis il faudrait que je fasse ça. » Je me dépêche parce que je suis déjà à la bourre. Rien n'est plus important que juste cette minute où je prends soin de moi et après, je me félicite de l'avoir fait.


Amandine : Merci. Merci à Talent Impact. Merci pour ces partages. Merci pour l'humanité qu'on partage et bonne route. Merci.


Olivier : J'ai été vraiment touché de faire ce voyage dans le futur et ces deux derniers jours avec Otto Scharmer, vous l'aurez compris. Et donc certains ont écouté l'intervention à Change Now, la session juste avant. Ça m'a trop parlé. Donc souvent, quand on reçoit un cadeau ou quelque chose de bon, on a envie de le partager et je vais terminer avec ça. C'est Otto Scharmer, approximativement compris par Olivier, qui essaye de faire une conclusion Donc, ne prenez que ce qui est juste pour vous. On va rentrer dans une époque de grande volatilité, de disruption. On sait que le futur va être différent du présent, mais on ne sait pas exactement à quoi il va ressembler. Et donc, vis à vis de ça, dire « je ne sais pas » peut être bienvenu. Par rapport à ce savoir, par rapport à cette ouverture, il y a peut-être des niveaux différents. Il y aurait peut-être quatre niveaux que je vais mimer pour vous. Il y a un niveau d'écoute avec l'autre ou avec le réel qui est comme ça. (mains devant les yeux) Je sais, donc je ne regarde pas. Et ça me permet d'aller vite tout droit, d'être dans un mouvement répétitif. Je veux que ça soit comme ça. J'ai prévu que ça soit comme ça. Ça a toujours été comme ça.


Il y a un autre niveau qui serait plus. Comme. Ça. Là, il y a plus d'ouverture. Je suis attentif j'ai ralenti, j'ai tourné, mais mon regard est quand même étroit. Ce regard là ne se qualifie pas celui là, parce que il y a des endroits où je dois aller tout droit et le cheval avance aussi avec des œillères. Dans des environnements connus, j'ai le droit d'aller vite. Il y a des endroits où je suis appelé à être attentif.


Il y en a un troisième qui est une posture d'écoute empathique où je vais plutôt être comme ça. Une ouverture du cœur, de l'accueil, de la présence à l'autre. Et ça, c'est une qualité de relation avec ceux qui comptent pour moi.


Et le quatrième niveau c'est un espace qui n'est pas simplement empathique, qui est un espace génératif qui est un état de présence où je me mets au service de quelque chose qui passe par moi, mais qui n'est pas moi. Merci d'être ces instruments de futur souhaitable que vous avez captés et qui passent à travers chacun d'entre vous.




Merci à tous




57 vues0 commentaire
bottom of page